La Réflexion totale interne appliquée au réfractomètre

Certains phénomènes de physique s'expliquent très clairement à l'aide d'équations, mais la compréhension de celles-ci demande une sévère initiation. Les éminents gemmologistes qui ont traité le domaine des pierres précieuses , viennent le plus souvent d'autres disciplines telles que la minéralogie ou la géologie et connaissent évidemment les lois qui régissent ces phénomènes; mais devant la difficulté de clarifier ces notions, sans faire intervenir d'abstraites formules ils ont préféré en formuler simplement les lois.
Il est bien difficile de trouver une explication se situant à mi-chemin de ces deux extrêmes, et partant, accessible à un plus grand nombre d'élèves ou de lecteurs. Je vais toutefois tenter cette expérience. Peut-être est-ce là une erreur mais même dans ce cas est-ce une raison de s'abstenir ? Une autre idée, plus heureuse, peut y trouver son départ .

L'un des problèmes qui se pose est celui de la REFLEXION TOTALE interne telle qu'elle est appliquée au REFRACTOMETRE.
Pour ceux que l'énoncé d'une loi contente, l'on admet généralement la formule suivante:
Quand la lumière passe d'un milieu plus réfringent dans un milieu moins réfringent (n1 > n2) l'angle de réfraction c est plus grand que l'angle d'incidence a. Si ce dernier augmente, le rayon réfracté peut être parallèle à la surface de séparation , soit c = h/2.
Dans ces conditions a > a0 le rayon n'est plus réfracté mais entièrement réfléchi dans le premier milieu. C'est le phénomène de REFLEXION INTERNE TOTALE.
Dans l'enseignement, l'on passe ensuite à l'application pratique de cette loi au réfractomètre. Le rayon incident dirigé sous un angle fixe (de réfraction totale), par un miroir, arrive à la séparation de la face supérieure de l'hémisphère du verre.
Le rayon B ou réfléchi va ensuite éclairer l'échelle graduée signalant l'indice de réfraction de la pierre. Tout est clair.
Mais au cours de ma carrière d'enseignement, j'ai rencontré des observations, d'ailleurs judicieuses, pareilles à celle-ci. Vous nous dites que, dans le cas précité, il y a réflexion totale et que le rayon ne peut plus sortir du milieu, comment peut-il alors prendre le ou les indices du second milieu? Il y a contradiction, il est vrai. La réponse classique est qu'il faut déposer une goutte de liquide à haut indice (liqueur d'Anderson) pour assurer un BON CONTACT et éliminer les pellicules d'air. L'on accepte généralement cette explication et chacun vit heureux.

Mais le problème n'est pas résolu , il est simplement déplacé.

En effet, le liquide ayant le même indice de réfraction que l'hémisphère de verre, le rayon lumineux continue son chemin sans réfraction et la réflexion totale se fait à la limite liquide-pierre. Le problème réapparaît à ce niveau. Alors?
La réponse réelle est la suivante: un rayon lumineux subissant la réflexion totale pénètre cependant dans le deuxième milieu mais pour une grandeur dépendant de plusieurs conditions.
Il s'agit d'un exponentielle dont la grandeur est, au minimum, D'UNE LONGUEUR D'ONDE, ce qui est suffisant pour déterminer l'angle de réfraction de la pierre testée.

Plus clairement et sans exposé algébrique.
Un rayon arrive sous l'incidence limite au point 0 de la séparation de deux milieux. Il pénètre d'une profondeur égale à H dans le second milieu dont il prend l'indice et est ENSUITE réfléchi en O'B' suivant cet indice, et ce parallèlement à O B. La profondeur de cette pénétration est extrêmement complexe et n'a d'ailleurs aucune répercussion dans la pratique du réfractomètre.

Je cite pour le lecteur désireux de ne rien laisser dans l'ombre que cette pénétration dépend:

1° : De la longueur d'onde du rayon incident
2° : Des indices de réfraction des deux milieux
3° : De l'angle d'incidence
4° : De la composition spectrale du rayon incident
5° : De 11-amplitude du rayonnement .

Telle est l'explication simplifiée du phénomène auquel on a donné le nom d'ONDE EVANESCENTE.

François DM
S.B.G. - D.Gem.G. (13 août 1976)